Tu Nombre, (poesía) de Marguerite Yourcenar


Tu nombre

Tu nombre que te fue dado por tu madre,
Tu nombre que se derrama en mi amarga garganta
Como una venenosa gota de miel.
Tu nombre que grité bajo cada cielo
Y llorado en todos los lechos;
Tu nombre que leo
En filigrana en todas las páginas de mi infortunio.
Tu nombre claro como el llanto
Vertido en nosotros por uno de los Angeles.
Tu nombre, como un bello niño desnudo que se revolcó en todos los fangos;
Tu nombre, que me magulla la boca.
Tu nombre con quien me acuesto
Como con un talismán;
Tu nombre como la sentencia que me condena al destierro.
Tu nombre que gimoteo como una mendiga que continuaría
sus lamentos a las puertas de una ciudad en llamas;
Tu nombre donde se han posado como moscas tantas habladurías infames;
Tu nombre, que las gentes pronuncian como si fuese el de un recién llegado
Tu nombre, X del desconocido
Que eres tu mismo.
Tu nombre de bautismo
Inscripto sobre los registros negros del Diablo y sobre el libro de oro de Dios.
Tu nombre que nada me hará desaprender;
Tu nombre, que es junto a tu recuerdo la sola cosa que tu no puedas recobrarme,
Porque cualquiera puede proferirlo bajo el cielo azul;
Tu nombre, del cual cada letra es uno de los clavos de mi pasión;
Tu nombre, el único del que me recordaré la mañana de la Resurrección.

“Ton Nom” de Marguerite Yourcenar, 1936. Traducción ©Carlos Alvarado, 2009
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Version originelle en français:
Ton Nom

Ton nom qui t’a été donné par ta mère,
Ton nom qui se répand dans ma gorge amère
Comme une vénéneuse goutte de miel.
Ton nom que j’ai crié sous chaque ciel
Et pleuré dans tous les lits ;
Ton nom que je lis
En filigrane à toutes les pages de mon malheur.
Ton nom clair comme le pleur
Versé sur nous par un des Anges.
Ton nom, comme un bel enfant nu qui s’est roulé dans toutes les fanges ;
Ton nom qui me meurtrit la bouche.
Ton nom avec qui je couche
Comme avec un talisman ;
Ton nom comme la sentence qui me condamne au bannissement.
Ton nom que je geins comme une mendiante qui continuerait ses plaintes aux portes d’une ville en flammes ;
Ton nom où se sont posés comme des mouches tant de racontars infâmes ;
Ton nom, que les gens prononcent comme s’il était celui du premier venu ;
Ton nom, X de l’inconnu
Qu’est toi-même.
Ton nom de baptême
Inscrit sur les registres noirs du Diable et sur le livre d’or de Dieu.
Ton nom que rien ne me fera désapprendre ;
Ton nom, qui est avec ton souvenir la seule chose que tu ne puisses pas me reprendre,
Car n’importe qui peut le proférer sous le ciel bleu ;
Ton nom, dont chaque lettre est l’un des clous de ma passion ;
Ton nom, le seul dont me je souviendrai le matin de la Résurrection.
1936.
Yourcenar, Marguerite, Les Charités d’Alcippe, Paris, Gallimard, 1984.

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